En direct de l'IMOCA Charal sur la Transat Jacques Vabre
MARSAIL vous emmène à bord de Charal ! Le duo Pratt/Beyou s’est lancé à l’assaut de la Transat Jacques Vabre 2021 le 7 novembre dernier. Tout au long de la mythique course, Christopher vous fait vivre la course en direct depuis l’IMOCA par ses carnets de bord pour La Provence. Des mots qui ont voyagé, nés entre les pontons du Havre et les vagues de l’Océan Atlantique.
Épisode 4 : ne rien lâcher, ne rien regretter
Cette transat est définitivement spéciale. L’accordéon se poursuit dans l’Atlantique Sud avec des écarts de miles qui se font et se défont. Avec Jérémie, nous naviguons toujours avec nos deux mêmes camarades. Cette année, le Pot-au-Noir a été clément. Le premier passage s’est déroulé dans des conditions difficiles, mais gérables. Quant au second, s’il nous a donné quelques sueurs froides, il est désormais derrière. Après avoir enroulé le fameux archipel de Fernando de Noronha au large des côtes brésiliennes, notre Imoca Charal s’est donc élancé dans sa dernière ligne droite vers la Martinique ! Enfin, ligne droite est un bien grand mot… Nous revoilà, contraints à une série d’empannages le long de la zone interdite du Brésil. Je ne sais pas si vous l’imaginez, mais cette manœuvre que vous voyez en accéléré sur la cartographie nous demande entre 15 et 20 minutes d’effort intense à deux. Ajoutez à cela la chaleur ambiante, le nombre de jours en mer et le manque de sommeil et vous comprendrez que la fatigue commence un peu à se faire sentir.
À 1000 milles de la ligne d'arrivée
Pourtant, la route est encore longue, environ 1000 milles nautiques. La course au large nous a appris que tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie, des rebondissements sont encore possibles. Des manœuvres, beaucoup. Des décisions stratégiques, un peu. Des opportunités, on l’espère !
Je sens pourtant l’approche de l’épilogue. J’ai toujours un peu le même sentiment sur ces fins de transat. C’est un mélange particulier de ressenti : le temps qui s’étire, la fatigue qui s’invite, les jours qui passent vite et lentement à la fois. Souvent après dix ou quinze jours de mer, une certaine forme de lassitude s’installe. Mon cerveau, bien qu’accaparé par la stratégie et aux réglages du bateau, commence à entrevoir l’arrivée, à la languir un peu…
Penser à l'arrivée mais ne pas lâcher le présent
Il est vrai qu’au moment où je pianote ces mots pour vous sur mon téléphone, c’est ambiance barbecue à bord de Charal, sauf que…. les steaks, c’est nous ! On brûle à feu vif à l’intérieur de l’habitacle sans aération de notre Imoca ! Alors, oui, l’idée de pouvoir (enfin) prendre une douche — je veux dire une vraie — celle de manger ou boire quelque chose de frais, commence clairement à me trotter dans la tête. Entre deux routages, entre deux sessions de barre-becue sur le pont, je pense à l’arrivée. J’imagine cette arrivée : les retrouvailles avec l’équipe, la famille, les amis, l’explosion de joie… ! Justement, je me dis que, pour ça, il faut gagner ! Pour eux, pour nos partenaires, pour nous, j’ai envie de gagner, de leur offrir cette joie-là. Pour moi aussi… Parce que troisième, c’est bien, mais premier c’est mieux, non ?
Mon cerveau fait marche arrière. Je reviens dans le présent. Pour gagner justement, il faut arrêter de penser à l’arrivée. Il faut revenir ici et maintenant : aux barre-becues, aux manœuvres sans fin, aux heures à se détruire la cervelle à la table à carte. Il faut trouver l’ouverture. Barrer sans cesse pour gagner un mètre, puis un autre. Ne rien lâcher. Minute après minute. Ne rien regretter. Avoir tout fait pour gagner. Gagner ? Peut-être.
On y croit en tout cas.