« J'ai eu de la chance. Un joker. Ça s'appelle un joker. Je viens d'en griller un. Je lance cette phrase à Éric. Il ne dément pas ».
Ces mots glaçants sont ceux prononcés par Christopher Pratt, après le chavirage de nuit du multicoque Drekan Groupe lors de la transat Jacques Vabre 2017.
Dans les situations de travail complexes et dynamiques, un opérateur peut rencontrer des difficultés à réaliser les compromis nécessaires pour s’adapter à la situation (objectif de la tâche VS perception des contraintes extérieures lié à la tâche VS stress, fatigue…) et ainsi commettre des erreurs.
Lors d’une course au large, cela peut être dû à un bateau fragile ou mal préparé, une fatigue extrême du skipper ou encore des conditions météorologiques particulièrement instables.
Commentaires de Christopher Pratt
Ce jour-là c’était une combinaison de facteurs, de la fatigue accumulée lors des trois premiers jours de courses intenses, un certain relâchement d’être sorti de la phase tempête hivernale du golfe de Gascogne ! Et puis une rafale associée à une rotation brusque du vent, une vague un peu plus abrupte que les autres et …. Le bateau plante ses étraves dans l’eau, monte à la verticale, hésite un instant avant de poursuivre sa rotation…
Les sciences humaines et sociales (SHS) apportent des modèles qui aident à comprendre les mécanismes de l’erreur tel que ceux développés par James Reason (1987, 1990b, 1993). Des outils d’analyse des accidents spécifiques aux facteurs humains[1] ont été créé comme le système d’analyse et de classification des facteurs humains (HFACS).
[1] FH : « l’homme et ses interactions avec les sous-systèmes humains, techniques, sociaux et organisationnels d’un système, le résultat de ces interactions en termes de sécurité et de production ». (Samson, 2010)
Ce dernier a été développé par l’US air force (Shappell & Wiegmann, 2000) pour enquêter et analyser la contribution humaine à la performance dans l’aviation militaire. Grâce à cet outil, ils ont a pu identifier la cause principale des accidents (violations de routine) et ainsi améliorer les performances humaines et diminuer les taux d’accidents et de blessures. Fort de son succès, il a été utilisé dans différents types d’industrie (exploitation minière, la construction, le rail…), de domaine comme le maritime (Celik et Cebi, 2009) et d’organisation (FAA, NASA…).
Pour construire ce dispositif, les chercheurs ont utilisé comme base théorique le modèle « swiss cheese » de James Reason (1990) et on décrit un large cadre de l’erreur humaine sur quatre niveaux de défaillance (figure1) :
- Actes dangereux des opérateurs (par exemple, skipper, équipage).
- Conditions préalables aux actes dangereux.
- Surveillance non sécurisée.
- Influences organisationnelles.
Avec cet outil, une équipe de course au large pourrait poser un diagnostic fiable d’un problème survenu lors d’une compétition par exemple mais également être pro actif pour améliorer le couplage « situation de travail-opérateur » avec des formations, des entraînements, de la prévention des risques ou la promotion de la culture de sécurité́
Commentaires de Christopher Pratt
L’idée du travail que nous entreprenons avec Maël est de mettre de la méthode analytique dans nos process de décision. Là, ce serait particulièrement pertinent de travailler sur l’analyse de chavirage, de casse matérielle ou de blessures ou encore de décisions stratégiques rédhibitoire. Afin d’avoir des outils itératif permettant de progresser dans nos process de manière itératif et non empirique, le out dans une approche globale et systémique.
Conclusion
Dans un système sociotechnique complexe et à risque comme la course au large, les facteurs humains (cognitif, interpersonnels) et organisationnels constituent des enjeux centraux dans l’optimisation du couplage performance/risque.
Une approche privilégiant la compréhension du couple opérateur à son environnement plutôt que seulement le processus cognitif qui a conduit l’opérateur à l’erreur est essentiel ! En effet, avec cette vision on laisse la variabilité de la performance du skipper s’exprimer au sein d’un système robuste et sûr, maitrisé par ce dernier. Ici, le risque devient la perte de contrôle de la situation par le sportif en sortant de son domaine de fonctionnement et l’erreur humaine est considérée comme normale !
Aller plus loin :
Shappell, S. A., & Wiegmann, D. A. (2000). The human factors analysis and classification system–HFACS.
Reason, J., Hollnagel, E., & Paries, J. (2006). Revisiting the Swiss cheese model of accidents. Journal of Clinical Engineering, 27(4), 110-115.
Chauvin, C. (2010). Le facteur humain et la sécurité maritime. Revue Maritime, 489, 14-21.