De nombreux professionnels doivent gérer des situations complexes d’urgence
au quotidien, pouvant parfois amener certain d’entre eux à devoir décider
rapidement sur des questions de vie ou de mort, comme les pompiers, les guides de haute montagne, les chirurgiens, les urgentistes ou encore les militaires.
Mais comment ces expert(e)s font-ils/elles ses choix qui pourrait potentiellement mettre en danger leurs vies, celles de leurs équipiers, du patient pris en charge ou simplement celles de passant devant un incendie ?
Une étude particulièrement intéressante a été réalisé sur ce sujet en 1986, par
Gary Klein (professeur en psychologie cognitive et chef de file du courant
théorique « Natural Decision Making« ), sur des commandants de caserne de
pompier travaillant dans des situations complexes d’incendie en site urbain
(incertitude enlevée, une forte pression temporelle et des enjeux
importants (vie/mort).
Dans ses premiers résultats, il constate qu’ils ne faisaient aucune comparaison
entre les résultats possibles (arbre décisionnel…) et que 80% des décisions
prises dans leurs tâches étaient réalisées en moins d’une minute.
Klein identifie alors les problèmes suivants :
– Les commandants se sont appuyés sur leurs expériences antérieures pour
reconnaître une action typique à réaliser. Ainsi, chaque situation typique
contenu en mémoire était mise en correspondance à une action particulière
qu’ils adaptaient ensuite aux exigences de la situation occurrente.
– Ils ne recherchaient pas une solution optimale mais simplement une solution réalisable (une option simple, plausible et satisfaisante) car cela aurait pu aboutir à une perte de contrôle de la situation (par manque de temps).
– Une fois qu’ils avaient sélectionné un plan d’action approprié (réalisable et
efficace), ils le simulaient mentalement d’abord, pour vérifier que cela
fonctionnerait.
À la suite de cette étude Klein et ses collaborateurs travailleront avec d’autres décideurs expérimentés (urgentiste, technicien nucléaires…) afin d’affiner leur conclusion et ainsi développer le modèle de la Recognition-Primed Decision (RPD, Klein et al. 1986). Ce dernier s’appuie sur deux processus (l’évaluation de la situation et la simulation mentale) et présente trois niveaux.
1 – La « mise en correspondance » : l’opérateur reconnait rapidement la
situation occurrente et l’associé à l’action typique dont il sait qu’elle sera
pertinente.
2 – Un « diagnostic de la situation » est réalisé lorsque sa reconnaissance
n’est pas immédiate (informations non disponibles ; la situation est plus
complexe que celles connue…).
3 – L’ « évaluation du cours d’action » : l’expert réalise une simulation
mentale de l’action prévue et une évaluation de ses conséquences lorsque
plusieurs options d’action sont envisageables. (Klein, 1997).
Grace à la combinaison du processus de perception-reconnaissance et de
simulation mentale les experts ont donc une compréhension (Situation
Awareness, Klein 1999), très rapide et assez juste de la situation (éléments clés,
anticiper la suite, conséquence possibles…), leur permettant ainsi de prendre et
réaliser des décisions efficaces malgré la forte pression.
Nous avons vu que le processus RPD est basé sur la reconnaissance de situation
occurrente associée a une action typique et sur l’expérience passée de personne
experte dans leur domaine. Il parait alors compliqué d’apprendre et ensuite
d’appliquer ce processus consciemment dans des situations hautement
dynamiques, risqués et incertaines !
Cependant on peut utiliser son cadre théorique afin de se préparer, ainsi que son équipe, pour être plus efficace à prendre des décisions face à ce type de situation sous pression.
Par exemple en mettant en place des formations/entrainements spécifiques à son domaine professionnel, basés sur des simulations de situations possibles (réelle, simulateur) de prise de décision rapide et efficace sous pression temporelle.
Aller plus loin :
Klein, G. A. (1993). A recognition-primed decision (RPD) model of rapid decision making. Decision making in action: Models and methods, 5(4), 138-147
Klein, G. A., Calderwood, R., & Clinton-Cirocco, A. (1986, September). Rapid decision making on the fire ground. In Proceedings of the human factors society annual meeting (Vol. 30, No. 6, pp. 576-580). Sage CA: Los Angeles, CA: Sage Publications