Dans la tête d’un skipper : les leçons de leadership du podium du Vendée Globe 2024
Pendant de nombreuses semaines, le Vendée Globe nous a offert un spectacle exceptionnel. Pour MARSAIL, et plus encore pour Christopher Pratt qui a n’en a rien perdu, c’est une mine infinie d’enseignements à transmettre à nos clients.
Au-delà des résultats, les parcours de Charlie Dalin, Yoann Richomme et Sébastien Simon nous livrent des secrets de leadership à appliquer d’urgence dans nos entreprises qui naviguent sur un océan d’incertitudes au quotidien.
Voici ce que Christopher a souhaité retenir de ces trois grands marins.
Commençons par le grand vainqueur de cette édition 2024. La première chose qui vient à l’esprit : Charlie Dalin n’est pas tombé dans la marmite de la voile quand il était petit ! Ses parents travaillaient dans l’univers artistique. C’est bien Charlie qui est tombé amoureux de la voile et des bateaux de course. Après des débuts tardifs en dériveur, il est parti jeune en Angleterre pour parfaire son anglais et apprendre à dessiner des voiliers de course.
La suite, c’est un retour en France avec l’obsession de faire de la course au large son métier. Il navigue sur tout ce qui flotte : en équipage, en double, en solitaire jusqu’à remporter la sélection Macif.
Il brille ensuite sur le circuit Figaro avant que son partenaire ne décide de l’accompagner sur le Vendée Globe 2020. La suite, vous la connaissez… Il franchit la ligne en tête, mais Yannick Bestaven – dérouté dans le cadre du sauvetage Le Cam / Escoffier – est vainqueur après compensation.
Sa victoire en 2024 se construit là, au coeur se sa frustration. Il repart. Et pendant quatre ans, fidèle à lui même, il ne laisse absolument rien au hasard. Il s’implique dans tous les détails de la conception de son Imoca60 Macif. Il passe au crible les erreurs de son premier tour du monde, travaille ses points faibles techniques mais aussi mentaux.
Deux ans plus tard, il est une nouvelle fois second sur l’autre course majeure du circuit : la Route du Rhum. Il avait pourtant fait course en tête durant la quasi-totalité de la traversée ! Le syndrome Poulidor ? Peut-être.
Charlie est sans nul doute le marin le plus complet et le mieux préparé du plateau, mais souffre souvent de cette fébrilité au moment de conclure. Ce sujet sera au centre de son travail de préparation pour le Vendée Globe 2024 avec le résultat que vous connaissez : son graal !
Ce que je retiens de cette victoire et dont nous pouvons nous inspirer :
- La détermination de Charlie qui, depuis son adolescence, n’a qu’une seule idée en tête… Cette détermination, nous pouvons la retrouver dans son mode de préparation, mais aussi de navigation (il a par exemple révélé n’avoir rien lu ni écouté pendant la course pour rester focus les 65 jours durant). Soyez déterminé sur votre objectif.
- Son parcours d’architecte qui lui permet de comprendre l’intégralité des éléments de la performance et de dessiner un bateau qui correspond à sa manière d’être et de naviguer. Acceptez votre mode de fonctionnement et adaptez votre organisation.
- Son équipe : il est entouré par des femmes et des hommes qui lui ressemblent, engagés, perfectionnistes. Aussi, il est hébergé on pourrait même dire incubé, chez Mer Concept, l’écurie de Francois Gabart, déjà vainqueur du Vendée Globe, de la Route du Rhum et détenteur du record du tour du monde. L’excellence attire l’excellence.
- La préparation mentale : cela a été son point de bascule. Sa préparation était sans faille, mais il manquait parfois ce petit « quelque chose » qui fait la différence. Sur ce tour du monde, nous l’avons senti libéré, capable de contemplation. Il a confirmé que son travail en préparation mentale lui avait permis d’être pendant la remontée de l’Atlantique dans un état de flow*.
Flow : état connu et/ou recherché par les sportifs de haut niveau, les artistes ou encore les dirigeants. Il s’agit d’un état dans lequel la personne est en symbiose avec ses outils, les éléments, en étant tout à la fois complètement dans l’action et complètement relâché. C’est cette capacité à avoir une vision extérieure globale de leur action. L’action est tellement maîtrisée et jouissive que la notion de temps ou d’effort s’amenuise.
Yoann Richomme a suivi un parcours un peu similaire dans ses jeunes années à celui de Charlie. Diplômé de Southampton (architecture navale), il ne se destine pas forcement à une carrière professionnelle de navigateur.
Il enchaîne les Tours de France à la voile en étudiant, goûte à la course au large en convoyant ou préparant des Figaros, notamment celui de Charles Caudrelier. Mais, il est des rencontres qui changent tout… Charles lui prête son bateau. Yoann débarque de « nul part » en figaro avec une confiance en lui presque arrogante ! Il signe une première solitaire remarquable, remporte la sélection Macif l’année suivante, puis la Solitaire du Figaro trois ans plus tard, devant… Charlie Dalin. C’est la consécration.
Mais, la suite pourtant ne s’enchaine pas comme prévu : pas de sponsors lui permettant de se lancer sur son propre projet. Il navigue en double, en équipage puis construit un Class 40 pour la Route du Rhum qu’il met à l’eau quelques mois avant le départ. Il la remporte et enchaine l’année suivante par un retour sur la Solitaire du Figaro qu’il remporte à nouveau.
Malgré ce palmarès impressionnant, il n’a toujours pas de sponsor majeur. Il continue à naviguer en Imoca60 et tente de trouver des budgets quand Arkea Paprec cherche son nouveau skipper. Nous sommes à moins de trois ans du départ du Vendée Globe 2024, Yoann leur propose une projet ambitieux : construire un bateau capable de gagner le Vendée Globe et un Class 40 pour défendre son titre sur la Route du Rhum pendant que l’Imoca sera en construction… Deal !
Il remporte à nouveau la Route du Rhum en Class 40 en dominant outrageusement la concurrence. Son Imoca60 est mis à l’eau en 2023 et termine second de la Transat Jacques Vabre, avant de remporter sa première course en solitaire en Imoca…
La suite ? Une autre victoire en solitaire en 2024 à New York. Puis ce Vendée Globe mené comme une Solitaire, pendant lequel on a tous eu l’impression qu’il en était à son troisième tour du monde : impressionnant de maîtrise, de sérénité, d’humour et de détachement.
C’est Yoyo ! Sans en donner l’impression, il impose une cadence infernale. Il a cette capacité à être à la fois très précis et détaché, concentré et détendu, déterminé et serein.
Ce que je retiens de ce podium et dont nous pouvons nous inspirer :
- La solide confiance en lui de Yoann : certainement née tôt dans l’enfance, elle lui permet de se dire que rien n’est impossible. C’est aussi ce qui lui a permis de traverser les années de disette avec plus de résilience et de positivité que d’autres. Nourrissez votre confiance et celle de vos équipes.
- Une capacité à synthétiser des sujets complexes et à se concentrer sur l’essentiel. Lors du précédent Vendée Globe, Yoann animait une émission hebdomadaire sur les réseaux sociaux qui décryptait la stratégie. Et bien figurez vous qu’il a continué à le faire sur cette édition, son œil du Vendée résumait une fois ou deux par semaine la situation météo et stratégique dans laquelle il se trouvait. Simplicity is the ultimate sophistication.
- Une compréhension de son rythme. Yoann a cette capacité à comprendre le rythme de la course et à identifier les temps forts lors desquels il faut imposer un rythme soutenu, comme les temps faibles dont il faut profiter pour se ressourcer.
- La préparation mentale pour lui aussi elle a été déterminante. Même s’il confie n’avoir pas utilisé les outils préparés avec son coach lors de la course, il est évident que le travail de fond réalisé depuis des années, lui a permis de construire cette solidité psychologique qui le caractérise et lui donne souvent un ascendant sur ses adversaires.
Sébastien Simon ou l’itinéraire d’un enfant gâté ? Sébastien est né aux Sables d’Olonne. Nul doute que pour lui, la voile a été présente dès sa plus tendre enfance. Il a rêvé de Vendée Globe aussi loin qu’il s’en souvienne. Sébastien allie un parcours brillant à l’école comme en dériveur où il monte sur un podium de championnat du monde en 420.
Il se forme dans une école d’ingénieur, spécialisé en matériaux composites, et devient lauréat de la sélection région Bretagne à seulement 21 ans.
Après un parcours fulgurant en Figaro qu’il remporte lors de sa quatrième participation, Arkea Paprec lui confie un projet pour aller chercher son rêve de gosse : le Vendée Globe 2020. Il n’a même pas 30 ans ! Bien qu’entouré d’une équipe expérimentée dirigée par l’ancien vainqueur du Vendée Globe, Vincent Riou, il enchaîne les déconvenues… Le bateau est mal né, casse et ne perfore pas comme attendu. La préparation est chaotique et son premier tour du monde s’arrête au Cap après une collision avec un Ofni… Sa collaboration avec Arkea se termine sur une honorable 4e place sur la Transat Jaques Vabre. Nous sommes en 2021 et il n’a plus de sponsor. C’est peut être là que tout bascule… dans sa tête avant tout.
Frustré, mais aussi critiqué, il travaille sur lui, se remet en question, grandit sans jamais perdre espoir, un espoir qui parait fou et inaccessible : être au départ du prochain tour du monde en solitaire. Le Groupe Dubreuil, frustré aussi de son rôle de partenaire mineur lors de la campagne 2020, s’interroge sur la suite de son sponsoring. De leur frustration commune nait une ambition. Le Groupe Dubreuil fait l’acquisition de l’Imoca 60 vainqueur de The Ocean Race (NDLR : course autour du monde en équipage et en étapes) quelques semaines avant le départ de la Transat Jacques Vabre en 2023. Le sort semble s’acharner quand le duo Martinez / Simon déchire sa grand voile. Contraints à un arrêt aux Acores, ils terminent à une anonyme 20e place.
Lors du Retour à La Base qualificatif qui suit quelques jours plus tard, Sébastien est dans le tempo des leaders avant de se blesser au large des Acores. Commotion cérébrale et arrêt au stand à nouveau… Il repart contre l’avis des médecins pour valider sa qualification au Vendée Globe et démâte à quelques miles de la ligne d’arrivée ! Il parvient à ramener son navire dans l’axe de la ligne, il est presque qualifié mais lui et son bateau sont sévèrement blessés… Il passera l’hiver avec un corset, tandis que son équipe panse les plaies de l’Imoca bleu Caraïbes. En 2024, il enchaîne les deux transats de qualificationsavec une 4e place (enfin) à la clé lors de la New York-Vendée… La roue commencerait-elle à tourner ?
Au départ de son second Vendée Globe, le jeune Sablais parait concentré, déterminé mais surtout heureux et soulagé d’en être – sur les pontons de sa ville natale.
Dès les premières heures de courses, il est dans le bon tempo, prend même la tête de course puis explose le record des 24 heures dans l’Atlantique Sud. Au large des Kerguelen, il est au coude à coude avec les gars, bat les favoris et prend la décision qui va changer la physionomie de sa course : emboîter le pas de Charlie sur une route est ultra-engagée, en avant d’une dépression monstrueuse qui promet de les broyer s’ils ne parviennent pas aller vite, très vite… Ils font le break. À mi-course, Sébastien est second avec une avance confortable. C’est là que son foil tribord casse nette. Il reste positif et concentré, revoit son plan de marche, ses ambitions peut-être ?
Chance ou réussite, le break avec les poursuivants est fait et ils ne seront jamais rattrapés.
Il boucle son tour du monde 3 jours après le vainqueur avec une voile en moins et l’assurance déjà de revenir en 2028 !
Ce que je retiens de cette 3e place et dont nous pouvons nous inspirer :
- Le parcours tracé dès l’enfance et la réussite précoce de Sébastien. C’est très souvent dur à gérer : il faut être très bien accompagné et/ou prendre une bonne raclée pour retrouver le fil, puiser dans l’adversité et l’humilité. Réussir tôt sans perdre son humilité.
- Sa résilience hors norme. Nous étions peu à parier sur sa capacité à être au départ après l’arrêt de sa collaboration avec Arkea Paprec, puis peu aussi à le penser capable de se relever de cette année 2023 de galères sans fin. Se relever à chaque fois et grandir encore.
- Sa capacité à y croire coûte que coûte. Pas de résilience sans confiance en soi. Cette capacité à y croire, à penser que malgré tous les obstacles se dressant sur sa route, les casses, les blessures, c’est possible.
Que retenir de ce podium du Vendée Globe 2024 ?
- CONFIANCE. La confiance en soi est le facteur clé de succès. Quand on grandit avec, les choses sont plus simples. L’impossible devient réalisable. N’oublions pas que c’est aussi une compétence qui se travaille à tout âge !
- PRÉPARATION. La préparation est clé. Ces trois champions se sont préparés pendant plusieurs années pour cet objectif. Ils se sont entourés d’équipes dédiées et ont travaillé les éléments constitutifs de la performance avec des experts des différents domaines.
- MENTAL. Ils ont travaillé sur leur mental parce que dans ce type d’épreuve comme dans l’entreprenariat, ce ne sont in fine pas tant les compétences que le mindset qui font la différence.
Si vous pensez que ces sujets sont majeurs dans la performance de l’entreprise, les conférences et les programmes d’accompagnements pour dirigeants de MARSAIL sont probablement faits pour vous.