En direct de l'IMOCA Charal sur la Transat Jacques Vabre
MARSAIL vous emmène à bord de Charal ! Le duo Pratt/Beyou s’est lancé à l’assaut de la Transat Jacques Vabre 2021 le 7 novembre dernier. Tout au long de la mythique course, Christopher vous fait vivre la course en direct depuis l’IMOCA par ses carnets de bord pour La Provence. Des mots qui ont voyagé, nés entre les pontons du Havre et les vagues de l’Océan Atlantique.
Épisode 3 : les îles de l'Atlantique sont sublimes
Après des jours de « match race » (régate au contact habituellement disputée en rade) à l’approche de Madère, puis des Canaries, nous naviguons toujours avec Jérémie dans un trio de tête quasi inchangé depuis notre départ. Alors que nous plongeons dans l’Atlantique, nous nous efforçons de soigner nos trajectoires et de tirer le meilleur parti d’une situation météo qui ne nous épargne pas depuis la baie de Seine. En ce moment, c’est salle de sport et sauna presque quotidien ! Les manœuvres très nombreuses nous maintiennent en forme sous ces chaudes latitudes. Le long des côtes africaines, la bataille continue et le classement évolue au gré de nos empannages successifs et de ceux de nos concurrents. Les jours se suivent sans se ressembler : un jour à « bouriner » dans un alizé musclé et une mer trop courte pour être agréable ; le suivant, à glisser tranquillement sous spi. La route un peu plus Est qu’à l’accoutumée nous offre de longer le continent africain, ce qui est une première pour moi. Je savoure ! Les îles de l’Atlantique nous ont épuisés, mais qu’elles sont sublimes !
Faire rimer compétition et contemplation
En écrivant, je m’interroge sur la possibilité d’une île — ça me rappelle ce roman d’anticipation de Houellebecq — je songe. Notre Imoca Charal glisse dans la nuit noire. Je pense à La promesse de l’aube (j’ai adoré ce livre de Romain Gary). Ici, les aubes sont roses, jaunes, couleur désert ; enfin, je le suppose, car je ne connais pas l’Afrique (là, c’est à M que je pense, vous aussi ?). Les nuits sont d’un noir profond, parfois éclairées par une lune qui ne cesse de prendre du poids depuis notre départ.
Nous slalomons depuis presque six jours entre les îles de l’Atlantique Nord et je me dis que c’est dommage de ne s’arrêter nulle part ! Nous sommes en course, me direz-vous à raison ! Avouez quand même que la seule évocation de leur nom laisse rêveur : Madère, Canaries, Cap Vert. C’est décidé : je reviendrai lentement, hors de la course et hors du temps. Je me souviens cette même réflexion en parcourant le GR20 à l’été 2020 (NDLR : défi Trail&Sail pour rallier Marseille à Calvi à la voile et trail sur le GR20 enchainés en moins de 80h). Ne vous méprenez pas : je suis un compétiteur ! C’est par la compétition que je suis venu à la voile, puis aux grandes courses au large. Je suis aussi un contemplatif. Plus je mûris, plus le simple fait d’être en mer (ou dans la nature en général) suffit à mon bonheur. Ainsi, je me fais cette promesse d’une aube africaine qu’un jour (un vrai, pas un jour hypothétique), je prendrai le temps de découvrir tous ces endroits que nous traversons concentrés sur nous, nos machines et nos concurrents.
Slalom entre les îles pour atteindre le podium
Pour l’instant, nous sommes à la bagarre pour atteindre la plus haute marche du podium, alors, je repense aux îles. Les îles en croisière, c’est le paradis (baignade, rencontre, balade, coutumes locales) ; en course, l’enfer ! Toujours « au milieu du chemin » ! Nous nous creusons les méninges pour les éviter, les îles évidemment ; plus encore l’effet qu’elles ont sur notre carburant. Par exemple, si Lanzarote peut provoquer un renforcement à exploiter, Tenerife peut perturber, voire annihiler le vent sur des centaines de mille. C’est passionnant pour les stratèges que nous sommes, mais c’est plutôt l’impossibilité d’une île !
Les îles, c’est terminé pour cette année. Le fameux Pot-au-Noir approche. La tension monte d’un cran à bord de la fusée.