La passion, moteur d'harmonie
Selon Robert Vallerand (un des chercheurs les plus reconnus dans le secteur des processus motivationnels NDLR), la passion peut être considérée comme « une forte inclination à l’endroit d’un objet, d’une activité, d’un concept ou d’une personne que quelqu’un aime […], valorise et pour lequel ou laquelle il investit temps et énergie sur une base régulière et qui fait partie de son identité. Une première forme est en harmonie avec les autres aspects du soi et la vie de la personne (la passion harmonieuse); elle devrait favoriser l’obtention d’effets adaptatifs. Une seconde forme peut être en conflit avec divers aspects du soi et la vie de la personne (la passion obsessive); elle devrait être à l’origine d’effets moins adaptatifs et parfois même pathologiques…. »
Le chemin vers le métier-passion
Je suis presque né sur un bateau. Bébé, j’étais bercé au rythme des weekend et des croisières sur l’écume de mer (voilier de croisière côtière NDLR) familial…
Puis j’ai grandi. Les croisières ont continué, et j’ai découvert l’Optimist en école de voile. Aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais imaginé faire autre chose que naviguer. Je voulais naviguer en compétition et participer aux plus grandes courses au large. Penché sur le liston de mon Optimist (mon préféré s’appelait Loulou et je lui parlais beaucoup) ou à la barre du Sunshine paternel je m’imaginais seul au large bravant les éléments puis coupant la ligne en grand vainqueur. Dire que j’étais passionné est un euphémisme, j’étais carrément obsédé, je décortiquais les Voiles et Voiliers au CDI du collège. En primaire j’avais même convaincu ma maitresse d’emmener la classe entière voir les équipages et les bateaux du Tour de l’Europe qui faisait escale au vieux port !
Je n’imaginais pas faire autre chose, pourtant cela restait très abstrait. À la fois pour moi parce que je ne faisais pas encore de compétition mais aussi pour mon entourage pour qui ce loisir, ce hobby, cette passion ne pouvait à priori pas représenter un avenir professionnel….
Dans ma tête c’était clair, je voulais faire de ma passion mon métier. De l’enfance à l’âge adulte j’ai patiemment mis tout en œuvre pour y parvenir. À 24 ans, je suis devenu professionnel de la course au large. Un statut précaire certes, mais qui était un premier aboutissement, un premier rêve de gosse qui se réalisait. Puis il y a eu la Route du Rhum, les grandes écuries de course au large avec lesquelles j’ai travaillé et aujourd’hui MARSAIL et d’autres rêves sportifs qui restent encore à réaliser.
Et à l'heure du bilan ?
Est-ce que je regrette d’avoir fait ces choix ? Non. À aucun moment, pas une seule seconde.
Ai-je le sentiment de consentir à de nombreux sacrifices ? Oui et non.
Oui parce que quand, gamin, tes copains vont en vacances à la plage à la montagne toi tu es en régate ou à l’entrainement. Forcément, tu rates des tranches de vie fondatrices. Lorsque ta famille est réunie autour d’une grande occasion et que tu es seul au milieu de l’océan, oui tu as la gorge serrée. Quand à 40 ans tu te payes comme un stagiaire, oui il t’arrive d’envier tes amis d’enfance qui ont une vie normale, avec une villa vue mer et tout le toutim.
Mais non parce que j’ai eu l’immense chance de vivre des expériences incroyables depuis plus de 20 ans, de voyager, de naviguer sur des bateaux incroyables et de côtoyer d’immenses champions.
Alors si on fait le bilan calmement, est-ce un rêve éveillé que de faire de sa passion son métier ? Je répondrais que rêve n’est pas le mot, parce que de l’extérieur on ne voit que la partie immergée de l’iceberg, les voyages, les jolies photos, la joie des arrivées de course. La réalité, c’est que c’est aussi beaucoup de galères, de doutes et de moments de découragement. Mais c’est peut être finalement ces moment-là qui rendent l’aventure géniale. On dit que ce qui compte ce n’est pas la destination mais le chemin. Plus j’avance en âge plus je le comprends et je l’appréhende de la sorte. Le résultat stricto sinus m’importe moins, mais l’expérience, le partage, l’aventure, le voyage et les rencontres beaucoup plus…
Passion et motivation
Le fait que Vallerand, qui a énormément travaillé sur les théories de la motivation et en particulier sur la théorie de l’autodétermination, se soit aussi largement consacré au thème de la passion est révélateur. La passion, qu’elle soit harmonieuse ou obsessionnelle, est une source de motivation. Elle met le sujet en mouvement, en quête d’un idéal, en quête de sens. Plus cette motivation est profonde, internalisée ou intrinsèque comme on dit, plus elle permet à l’individu d’atteindre des buts, de réaliser des exploits ou de grandes œuvres. De se réaliser, in fine…
Ces concepts sont liés. Je pense pour ma part que pour être motivé, il faut être profondément passionné par ce que l’on fait. J’ai beaucoup de respect pour les gens qui parviennent à séparer leur vie pro de leur vie perso et donc de leurs éventuelles passions ou hobbies. Mais ce n’est pas ma vision de la vie. J’essaie de transmettre à mes enfant, non pas ma passion mais cette vision de la vie. J’adhère assez au mantra de Confucius «Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. » Attention, je ne vous dis pas que je ne me suis jamais levé en me disant que je n’avais pas envie d’y aller mais c’est rare, très rare même. Il me semble que la plus grande responsabilité que nous avons en tant que parents est de tout faire pour aider nos enfants à trouver leur voie, à trouver ce qui les anime et les passionne puis leur permettre d’en faire leur métier.
Pour aller plus loin
Si le sujet de la motivation en lien avec la voile vous intéresse, retrouvez l’étude de Chris sur la motivation des skippers du Vendée Globe résumée en trois articles :
Les articles de Robert Vallerand :
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