La complémentarité entre l’Homme et la machine au cœur de la performance en course au large.
Dans un environnement incertain, risqués et hautement dynamique comme l’océan, le facteur humain joue un rôle majeur dans le processus de prise de décision et la gestion du couplage performance/ sécurité (Chauvin, C., 2010 ; Hetherington, C & al, 2006). Lors d’une course au large le skipper ne peut pas traiter toutes les informations et peut avoir besoin de la technologie pour l’assister (Lemanceau, S & Al, 2018 ; Van Hillegersberg, J & Al, 2017) comme avec le pilotage automatique ou les logiciels de routage.
L'analyse de Christopher
En effet, « aujourd’hui nous avons des outils très avancés qui nous permettent à la fois d’avoir une vision en temps réel sur l’état de fonctionnement de notre voilier mais aussi de son environnement et de la manière dont il va évoluer. Notre capacité à bien utiliser ces différents outils est une clé majeure de la performance en course au large et c’est assez nouveau ! En quelques années nous sommes passés de marins aventuriers (cartes papiers, météo envoyé par ondes radios, point au sextant…) à pilote ingénieur au centre d’une interface machine environnement hautement complexe ! “
Voici un premier travail de réflexion autour de la conceptualisation d’un outils d’aide à la décision pour les skippers de course au large. Nous développerons trois parties qui nous paraissent importantes :
Tout d’abord, pour l’aider dans sa tâche le skipper dispose de différentes technologies qui lui permettent d’obtenir des informations sur :
- L’état de l’environnement : Images satellites, Logiciels de routage, Système AIS, Radar, Centrale de navigation et centrale inertielle.
- L’état du bateau : Capteurs de charges, de tension et de déformation.
- L’état du skipper : Capteur PsychoPhysio (Fréquence cardiaque, calorie, sommeil…), Agenda de sommeil (Hurdiel, R., 2011), échelle de fatigue…
Ensuite, lorsqu’il a récupéré ces tonnes de Data (300 capteurs sur un Ultim), il faudra réaliser la tâche très complexe de conceptualiser une interface écologique (Gibson, 1979; Rasmussen et Vicente, 1989 ; 1992 ; 1999) qui donnera au skipper, d’une part les outils et les informations nécessaires (filtrées) pour devenir un opérateur actif dans ses résolutions de problème et ses choix (performance, charge mentale, fatigue, situation awareness…), et d’autre part la possibilité d’augmenter la fiabilité du système. Ainsi, pour le skipper cela signifie de visualiser clairement et de façon évidente les contraintes et les interactions possibles entre opérateur et machine dans le système. Elle doit également permettre à l’athlète de libérer des ressources cognitives (prise de décision, résolution de problème) et alléger la charge de travail. La conception de l’interface (EID) repose sur l’analyse du domaine de travail et l’outil de la hiérarchie d’abstraction (Rasmussen, 1986).
Enfin, lorsque l’on a nos outils pour récupérer les informations, des algorithmes qui filtrent les informations utiles et une interface écologique, il faut se poser la question de qui fait quoi dans le système pour que notre outils d’aide à la décision soit efficace pour le skipper et son équipe!
Lors de la conception et dans le pilotage des systèmes, la répartition des activités homme/machine est appelé « allocation des fonctions ». Notre approche concernant cette notion est dynamique et vise à attribuer des fonctions à l’homme ou à la machine selon la situation (Hoc, 1996). Concrètement cela signifie que nous allons chercher à définir ce qui doit être automatisé, ainsi que quand et comment il faut automatiser (allouer) : Quelles fonctions de travail (quoi), Quelles situations (quand et où) et Quelles ressources associées à une fonction donnée (qui). Pour extraire ces données nous utilisons la hiérarchie d’abstraction et le modèle d’activité contextuelle (Rasmussen, 1986).
Par ailleurs, il nous parait essentiel lors de la création d’un tel outil d’avoir une approche pluridisciplinaire (Psychologie, Ergonomie, Ingenieur…) et cela dès la conception de l’interface (Morel et al., 2008).
La conclusion de Christopher
Le skipper est au centre d’une interface machine environnement hautement complexe et pour autant, notre méthodologie de prise de décision en tant que telle reste assez empirique ! Je suis persuadé que le travail engagé avec Maël va nous permettre de proposer une méthodologie concrète pour optimiser nos process et amoindrir les biais cognitifs et le bruit qui créent inévitablement des erreurs de jugement et ont donc un impact majeur sur la performance. «
Aller plus loin :
Rauffet, P., Chauvin, C., Morel, G., & Berruet, P. (2015, July). Designing sociotechnical systems: a CWA-based method for dynamic function allocation. In Proceedings of the European Conference on Cognitive Ergonomics 2015 (pp. 1-8).
Rasmussen, J., 1999. Ecological Interface Design for Reliable Human-Machine Systems. The International Journal of Aviation Psychology. 9, 203-223.
Lemanceau, S., Lucongsang, R., Galbat, M., Guibourdenche, J., & Salembier, P. (2018). Conception d’un système embarqué d’assistance à la course en solitaire à la voile. Actes du 53ème Congrès International d’Ergonomie de Langue Française, 3-5 septembre, Bordeaux.