En direct de l'IMOCA60 V&B Monbana-Mayenne
MARSAIL vous emmène à bord du Dragon des Océans ! Le duo Pratt/Sorel s’est lancé à l’assaut de la Transat Jacques Vabre 2023 le 07 novembre dernier. Tout au long de la mythique course, Christopher vous fait vivre la course en direct depuis l’IMOCA avec ses carnets de bord pour Ouest France et La Provence.
Des mots qui ont voyagé, nés entre les pontons du Havre et les vagues de l’Océan Atlantique. C’est son dernier carnet de bord de la Transat, entre la joie d’avoir retrouvé la terre et la tristesse d’avoir quitté la mer.
Épisode 5 : Veille d'arrivée
Les veilles d’arrivées sont plus symétriques qu’opposées aux veilles de départ coincées dans un espace-temps étrange mêlant appréhension — celle de partir — ici, celle d’arriver — et excitation.
Une forme de présence absente dans laquelle soit on se sent projeté vers la vie normale tout en étant réglé sur une vie de marin ; soit l’inverse. La veille d’un départ, la trace que vous espérez laisser sur l’océan occupe toutes vos pensées. La veille d’une arrivée, celle que vous avez inscrite ne vous laisse pas tranquille : si nous avions été ici plus tôt que là, si cette maudite pièce n’avait pas cassé, si le vent avait tourné comme prévu…
Avec des Si, on refait la course ! La course déroule dans ma tête. Au départ, c’est la projection. Je déroule sans cesse le film avant de quitter le ponton. À l’arrivée, c’est la rétrospective. Je le repasse avec le filtre de la réalité…
Alors voilà, nous arrivons. Nous arrivons bientôt, en partie frustrés de n’avoir pu vraiment nous mêler au combat pour les places d’honneur, en partie conscients de n’avoir que peu à se reprocher sur notre trace justement, sur nos engagements et notre résilience surtout.
Nous arrivons et je sais déjà celles et ceux que j’ai hâte de retrouver. Je sais aussi que j’ai hâte de recommencer à travailler sur nos futurs projets. Je sais aussi que je vais perdre, à la seconde où nous mettrons le pied à terre, la simplicité d’une vie en mer. La simplicité de la routine : barrer (enfin piloter plutôt), régler, router, manger, dormir, observer, contempler, écouter, laisser le temps et les étoiles filer dans notre sillage.
Nous arrivons. Je suis impatient d’une douche, d’une salade, d’un steak, de la famille, des amis, d’un sentier de trail.
Je suis inquiet des 500 mails et messages Slack qui m’attendent, du retour de la connexion sur mon smartphone, de devoir m’habiller le matin et de faire société.
Plus les années passent et mieux je me sens en mer. Plus les années passent et mieux je comprends le message de Moitessier lorsqu’il a décidé de naviguer seul autour du monde en plein Atlantique sud plutôt que de revenir à une civilisation dont il ne comprenait pas ou plus le sens.
Rentrer aurait été une folie.
Moi, je suis un peu fou, je crois.