Et si on y trouvait notre inspiration ?
Il était difficile de passer à côté de l’aventure dingue qui a eu lieu sur le Vendée Globe en début de mois: le sauvetage extraordinaire de Kevin Escoffier par Jean Le Cam. Il faut dire que cela a inspiré notre marin préféré. Il nous livre ses réflexions, une bouffée d’air frais dans ce monde de brutes !
Vous (re)découvrirez aussi le sublime texte que Christopher a écrit à son pote Kevin. Et là aussi, ça fait du bien au moral.
La solidarité : valeur cardinale de toute société
L’étymologie latine du mot solidarité niche sa signification dans la notion d’entièreté, de consistance. Par extension, ce mot décrit le lien qui unit entre eux des débiteurs ou des parties, s’obligeant moralement les unes envers les autres. Ainsi définie, la solidarité est le sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d’un groupe de personnes ; les problèmes rencontrés par l’un ou plusieurs de ses membres concernant l’ensemble du groupe.
Il est toujours intéressant de se replonger dans l’origine des mots, et dans le cas présent, de s’apercevoir que la solidarité comporte une notion de réciprocité. C’est donc un abus de langage lorsque l’on utilise ce mot pour désigner l’altruisme ou la charité. Dans son sens premier, la solidarité est un devoir social directement lié à l’existence même d’un groupe.
Cela donne à réfléchir sur la manière dont cette valeur est traitée dans notre société moderne.
La solidarité spontanée des gens de mer
Chez les gens de mer, comme dans tout autre groupe social, donc, la solidarité est induite par l’appartenance au groupe. Plus encore, face aux éléments, l’assistance à personne en danger devient une obligation. Aucun marin ne la vit comme telle cependant. C’est une chose pleinement intégrée en chacun d’entre nous. Si un navire est en danger, si un signal de détresse est émis, il est naturel de se dérouter pour porter secours. Tout mettre en œuvre pour apporter l’assistance nécessaire devient en mer une seconde nature.
Sur les océans, comme dans les origines du mot, la solidarité est bien une affaire collective, ne pouvant relever de la seule éthique individuelle.
Si parfois les logiques de compétition font rage – pour la recherche de sponsors, pour gagner une course – celles-ci s’éteignent dès le danger avéré. Et puis, la voile de compétition est un tout petit monde, celui qui est en danger est probablement un ami, un collègue de travail ou un ancien coéquipier. Chaque fortune de mer nous touche comme si elle nous arrivait.
Lors du sauvetage de Kevin Escoffier par notre cher Jean Le Cam, les médias du monde entier ont salué le geste du Roi Jean. Ce dernier n’a fait qu’appliquer – avec toute l’humanité le talent, le professionnalisme et l’expérience qui lui sont propres – la réglementation maritime ! L’exploit en l’espèce, ce n’est pas le fait que Jean ait « décidé » de mettre sa course entre parenthèses pour sauver Kevin, mais bien l’exécution du sauvetage.
L’enchainement des décisions, des gestes des deux skippers pour réussir l’impossible, est un véritable exploit que tout marin reconnait. NDLR : Kevin est parvenu à sauter dans son radeau de survie tout en déclenchant sa balise de détresse enfilant sa combinaison de survie, prévenant son équipe à terre, tandis que Jean a manœuvré quinze heures durant avec méthode et perspicacité pour trouver le radeau de Kevin au milieu des flots déchainés. Nul doute que leur expérience et leur savoir-faire ont conduit à ce dénouement heureux.
Le texte écrit par Christopher Pratt pour Kevin Escoffier
Putain de nuit…Tellement heureux que tu sois à bord d’Hubert avec le roi Jean !Une nuit d’angoisse… Je l’ai vécu, comme si j’y étais, imaginant la manœuvre pour sortir le radeau, sauter dedans, me disant que pour que toi, avec ta force, ton courage, ton expérience, que tu te sois résolu à aller foutre ton cul, dans ce putain de radeau… Il fallait vraiment que la situation soit critique. Puis, j’ai commencé à cogiter, à douter, à essayer de comprendre pourquoi tu n’étais pas déjà à bord. En voyant les autres arriver sur zone, j’ai vite compris… Et là, l’angoisse, encore plus fort… Un radeau de survie, au milieu de l’océan, avec des vagues de 5 mètres, c’est pire qu’une aiguille dans une botte de foin…. Putain, non, pas possible ! En même temps, s’il y en a un qui peut tenir longtemps, s’il y en a un qui est costaud physiquement, solide mentalement, c’est bien toi !Forcément, j’ai repensé au mien de naufrage, ce chavirage lors de la Transat Jacques Vabre, dans des contrées bien plus hospitalières. Cette décharge d’adrénaline quand j’ai failli me noyer… L’angoisse de mes proches à terre, dont je ne comprends l’ampleur qu’aujourd’hui.Être à terre, ne pas savoir, douter, avoir peur, imaginer tous les scénarios est bien pire que de le vivre…Alors, quand je vois ta tronche de cake et tes blagues à la con au petit déj, je me dis, ouf… Là aussi, on a grillé un joker…Bravo à toi Kéké. Bravo Jean. Pour votre sang-froid, votre professionnalisme, votre humilité et votre sens de l’humour intact. En toutes circonstances.Je suis fier d’appartenir à cette communauté sportive qui sait remettre les choses à leur juste place.
Pourquoi avons-nous perdu de vue notre solidarité sociale ?
Là où la crise de la Covid-19, dans sa première phase, avait généré des élans de solidarité, la phase actuelle ajoutant une fracture socio-économique sur la crise sanitaire toujours bien vivace, semble faire le regain des individualismes.
Comment notre société a-t-elle pu devenir autant individualiste que nous en avons perdu nombre de sens communs ? Au premier rang desquels, cette fameuse solidarité qui est induite par l’appartenance même à cette société. Plus loin encore, c’est au-delà de cette question, le sens qui est en jeu.
Comment s’inspirer de la solidarité des gens de mer ?
Naturellement, Kevin et Jean nous ont livré une « leçon de vie ». La compétition a laissé place à la solidarité maritime. Ils nous poussent surtout, par leur engagement, leur résilience et leur humilité, à questionner la société dans laquelle nous souhaitons vivre, celle que nous souhaitons léguer aux générations futures ?
Alors, en cette période de fêtes, nous formons le vœu d’une société solidaire. Une société qui n’oppose pas mais réunit, qui permet d’exprimer les talents sans avoir à les mettre en compétition. Une société où il n’est pas nécessaire d’écraser l’autre pour grandir soi-même.
Une société qui a du sens.
Ce sens, qu’ils ont donné à leur course, à leur quête, et in fine à nos vies de terriens.
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Vous pensez que la solidarité est une valeur clé en entreprise ? Venez en apprendre plus sur les valeurs des coureurs au large en discutant avec Christopher Pratt.
Vous pouvez aussi retrouver ici le récit de la fortune de mer de Christopher sur la Transat Jacques vabre en 2017.
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